Soutenance de thèse de Samuel Le Gendre : “Le droit à la persévérance dans l’être”

Samuel Le Gendre a soutenu le 11 octobre 2024 sa thèse intitulée “Le droit à la persévérance dans l’être” sous la direction de Sophie Roux

Résumé de la thèse :

En 1970, Hans Blumenberg publie un article, « Selbsterhaltung und Beharrung, Zur Konstitution der neuzeitlichen Rationalität », dans lequel il identifie deux révolutions quasi simultanées, une d’ordre scientifique : découverte du principe d’inertie par Newton ; l’autre d’ordre métaphysique : conception du conatus par Spinoza. Dans un cas comme dans l’autre, la rupture avec la scolastique est nette. En effet, dans les deux cas, l’on ne cherche pas tant la cause pour laquelle quelque chose continue que celle pour laquelle quelque chose s’arrête. Le mouvement, une fois commencé, doit continuer ; les choses, une fois dans l’être, doivent y demeurer. Ce sont là les « options par défaut ». Mais Blumenberg ne voit pas que cette double révolution, Descartes en est grandement responsable, à la fois positivement et négativement. L’objectif de cette thèse est le suivant : préciser l’histoire des « temps modernes » racontée par Hans Blumenberg à partir d’un examen de ce que nous avons appelé « l’équivoque cartésienne ». Cette « équivoque » est la suivante : d’une part, selon Descartes, l’on doit dire que, si le mouvement d’un corps particulier cesse spontanément, alors il s’auto-détruit ; d’autre part, les choses créées cessent d’être spontanément, sans que cette cessation spontanée doive être tenue pour une auto-destruction. En étudiant cette « équivoque » et en la replaçant dans un contexte historique très large, puisque cette thèse porte sur une période s’étendant du XIIIe au XVIIe siècles, nous déterminons l’originalité de Descartes et faisons figurer dans le récit proposé par Blumenberg non seulement d’autres noms (par exemple, ceux de Gassendi ou de Desgabets), mais d’autres concepts. Car cette thèse montre que le conatus spinoziste implique un « droit à la persévérance dans l’être » qu’a identifié Emmanuel Levinas. Ce travail systématique est le résultat d’une plongée au cœur des « commentaires » des Sentences de Pierre Lombard, des « questions » sur la Physique d’Aristote et de la littérature quodlibétique, mais aussi d’une exploration de la réception de Descartes, en particulier en France et aux Pays-Bas. Il a parfois l’allure d’un répertoire de textes, à la à la manière de l’Index d’Étienne Gilson, parfois celle du récit, à la manière de Hans Blumenberg.